Temps dilaté au Canada
– EXTRAIT –
En cet été 2024, je voyage au Québec. En voiture, une Dodge, 300 chevaux qui avalent bitume ou piste, tantôt ronronnants tantôt rugissants, à travers forêts et rivières. Au milieu, le Fleuve. C’est le temps des vacances. Ce temps qui se dilate. (…)
Je suis équipé d’une petite chambre 9 x 12 chargée de papier au chlorobromure d’argent et de mon téléphone, qui me sert à mesurer la lumière et me permet d’enregistrer des images d’un temps de pose de deux secondes, entre autres choses. Mon sujet choisi, je laisse le support sensible s’impressionner de longues secondes, je conserve l’image, latente, à l’abri du jour, jusqu’au soir, pour la révéler. 150 fois durant trois semaines. (…)
Tout ce voyage est un espace. Un espace qui s’ouvre dans ce dixième été breton. Dix années que je vis à l’année là où les gens vont en vacances. Mon espace rétrécit chaque année pendant trois mois estivaux, du fait de l’afflux d’êtres venus d’ailleurs. Cela fait partie, ou est contrepartie, d’habiter un bout du monde. L’effet de ce rétrécissement est plus ou moins violent, il est bien ressenti. Alors quitter cet espace s’amenuisant m’ouvre d’autres horizons spatiaux, temporels.
Je change de continent, je change d’heure. J’arrive à Montréal pratiquement au même moment que mon départ. Et je fuis le touriste pour en devenir un.
Déambuler dans Montréal. Le Vieux, historique mais surfait. Sainte-Catherine, les junkies et leurs folies, j’esquive. Le Plateau, de belles maisons, une respiration, c’est là que je trouve mon matériel nécessaire à ma photographie de ce voyage. Je croise aussi un raton-laveur. Il se délecte tranquillement d’un reste de tacos qu’il sonde de ses pattes avant. Je prends pied dans ce pays, sa capitale que je visite pour la quatrième fois.
Carnet de voyage de Simon Jourdan à découvrir dans Bouts du monde 60
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