Thaïlande : en milieux hospitaliers
Je participe pleinement aux réjouissances jusqu’à ce que Miga ne glisse dans ma soupe quelques petits cubes de sang de porc coagulé à l’aspect vaguement gélatineux et au ton rouge-bordeaux foncé.
Passent encore les coléoptères frits à la sauce piquante sur les marché de nuit de Bangkok ou de Chiang Mai, les pattes de poulets bouillies à la chinoise, mais ça… non !
Je parviens à sortir un timide « mangueu » – mot utilisé en akha pour signifier le refus, la négation – sous les regards moqueurs de l’assemblée.
Me revient à l’esprit cet amusement tout occidental face à l’effarement de cette même Miga alors que je lui faisais goûter voici quelques années un Roquefort Société amoureusement ramené dans mes bagages ; je termine ma soupe sans mot dire (…)
Je suis réveillée par une violente migraine. Je me lève, courbaturée, fiévreuse, les jambes lourdes. J’ai dû prendre froid, car, en dépit de températures estivales en journée, les nuits demeurent un peu fraîches et l’isolation de la maison de Miga laisse à désirer ; quant aux douleurs ressenties dans le bas du dos, je les impute aussitôt à la qualité toute relative des différentes couches qui m’accueillent depuis maintenant plus de deux semaines.
Mon premier réflexe est de faire appel au triptyque magique Prontalgine, Clamoxyl, baume du tigre ; je sais d’expérience que rien ne résiste très longtemps à ces trois-là.
Tandis que je vois la date de mon départ approcher à grands pas, ma pharmacie occidentale s’amenuise, et cette satanée douleur dans le dos qui persiste ; les odeurs m’insupportent, je suis lessivée, bonne à rien, kaput.
J’envisage de prendre une chambre à l’hôtel Khum Nai Phol de Mae Salong afin de bénéficier d’un peu de confort, mais l’énergie me manque et je ne veux vexer ni Miga ni Assan ni même les enfants, tous aux petits soins. L’ennui me gagne, mais ça va bien finir par passer.
Je dois lever l’ancre dans quarante-huit heures, et aucune amélioration en vue, en dépit des massages prodigués quotidiennement par Miga consistant pour une part à me marcher allègrement sur les jambes, les fesses et le reste, pour une autre à faire craquer chacune de mes articulations.
A ce stade, le plus simple et le plus sage serait de me rendre à l’hôpital de Mae Chan afin qu’ils me donnent au moins de quoi tenir debout, à défaut de me guérir. L’aller-retour (environ 50 km) plus le temps à poireauter sur place, on est partis pour la journée ; je renonce.
Ayant épuisé nombre des ressources de la pharmacopée occidentale, il est décidé de faire appel à celle, traditionnelle et locale, dispensée par Abodo.
© Carnet de voyage d’Isabeau de Rouffignac à lire dans Bouts du monde n°24
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde