Yves Rousselet - Moldavie - Bouts du monde
Carnet de voyage - Ukraine

Traverser le Dniestr

Il ne faut pas écouter ce que l’on raconte : on peut séjourner en Gagaouzie en flânant le cœur léger dans les rues de Comrat, sa capitale. En plus, il n’y a pas besoin de réserver son séjour : les hôtels y sont rarement pleins. Et si jamais c’était le cas, il reste la Transnistrie, de l’autre côté du Dniestr.

– EXTRAIT : TRAVERSÉE DU DNIESTR –

Comrat, jeudi 31 août 2016. Cher Julien, chère Amandine. Cet après-midi, Hélène et moi faisons une nouvelle halte dans la capitale gagaouze. Il y fait très beau très chaud. Les immenses champs de tournesol et les hectares de vignes alentour se gorgent de soleil. Sitôt arrivés en ville, nous avons filé à la « Teppaca Бассеин Calipso », piscine locale fort agréable et particulièrement bienvenue. Comrat, malgré son statut de première ville de la province autonome, est loin d’être une mégalopole. Aussi elle ne pouvait longtemps nous dissimuler ses bons plans, ceux dont les voyageurs « qui font la route » sont friands. Elle nous a dévoilé, dès notre première exploration, ses trésors en matière de détente, de repos et même de confort. Imaginez un peu un transat et son matelas, certes au tissu élimé, quelques carrés d’ombre sous un parasol, un bassin d’eau transparente d’au moins quinze mètres, une playlist de musique supportable, diffusée à puissance tolérable, moins de soixante décibels, par des haut-parleurs en provenance d’un bar bien achalandé en « Chisiinau bere » et autres cervoises des pays plus ou moins « frères » et enfin, suprême luxe, des cabines de douche avec un filet d’eau tiède. 

On prend le temps de déplier les cartes, de repérer quelques points bleus, un lac, une rivière, d’observer une courbe de niveau, de préparer les grands axes et les routes très très secondaires d’un itinéraire pour les quatre ou cinq jours à venir

Je vous l’accorde, il s’agit de l’essentiel. Notre voyage a commencé voici un mois et demi, mais ce sont parfois des pauses comme celles-ci qui contribuent à l’envie d’aller plus loin, au désir de repartir. On prend le temps de déplier les cartes, de repérer quelques points bleus, un lac, une rivière, d’observer une courbe de niveau, de préparer les grands axes et les routes très très secondaires d’un itinéraire pour les quatre ou cinq jours à venir. On prend le temps aussi de faire un peu le point sur les kilomètres déjà parcourus. 5 744 précisément depuis le Finistère. On prend le temps de raconter les découvertes, les rencontres, de se remémorer les photographies prises, de croire qu’il y en a d’excellentes et d’écrire aux amis. Je sais que vous n’êtes pas de ceux qui ont pris pour une plaisanterie notre destination aux allures d’épopée dans la tintinosphère. Au fil de nos conversations, des apéros partagés pendant lesquels nous ne cessions de ressasser les préparatifs de notre voyage, vous avez appris à connaître ce curieux pays, la Gagaouzie. Nous l’avons abordé en quittant Braïla qu’il n’est pas possible d’évoquer sans une pensée pour Panaït Istrati, le prince des haïdouks, puis en franchissant la rivière Prut qui se prononce Prout et marque le passage de la frontière roumano-moldave… Hélène l’a certainement consigné dans son carnet de bord ; dès cet instant, je me suis mis à redoubler d’activité, étonnamment plus attentif, plus curieux, plus enthousiaste, plus surpris par tout ce qui se présentait, une main pour le volant de « Raymond », une main pour l’appareil photo. La grande excitation.

La Gagaouzie a son triangle de villes incontournables : Comrat d’où je vous écris, Ceadîr-Lunga et Vulcanesti où dès notre arrivée, nous avons eu une chance inouïe.  Une fois la roulotte stationnée, nous nous sommes laissés guider par la musique qui provenait à n’en pas douter d’un rassemblement festif. Il se tenait sur le parvis du palais de la culture tant apprécié par les édiles de l’ère soviétique. Des groupes, des solistes enfants ou adolescents se sont succédé, interprétant des chants, exécutant des danses traditionnelles gagaouzes. Quand la fête fut terminée, les terrasses de deux cafés de l’artère principale de la ville se sont remplies, les grandes tables accueillant pour la plupart des familles de trois générations rassemblées. Elles faisaient consommation sans relâche de sodas, de chips, de glaces, de bières. Nous aussi sommes passés d’une terrasse de café à l’autre, ne pouvant manquer en chemin d’apprécier le buste de Lénine bien planté au cœur du jardin public. J’ai trouvé du plus bel effet, dans le soleil couchant, la faucille, le marteau, au fronton de l’hôtel de ville en arrière-plan… J’ai essayé sous plusieurs angles de tout photographier.

Carnet de voyage d’Yves Rousselet à découvrir dans Numéro 48

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