Très loin, en Papouasie
– EXTRAIT –
Alors que mon avion survole le désert verdoyant des montagnes papoues, mon esprit divague déjà dans les méandres de cette jungle que j’imagine aussi hostile qu’attrayante. Je suis empli d’un mélange d’impatience et d’appréhension, cette sensation cotonneuse qui caractérise le début de toute aventure. Le cœur ouvert, les paupières closes, je me laisse happer par le voyage. En rouvrant les yeux, j’aperçois la vallée du Baliem en contrebas. La ville de Wamena surgit comme un démon aux mâchoires de béton au milieu de cette luxuriance végétale. Après un atterrissage incertain sur une piste cahoteuse, je me réjouis de pouvoir sortir de la carlingue et de prendre une grande bouffée d’air frais.
Au milieu des avions, un vieux Papou déambule sans but apparent sur l’asphalte, il est totalement nu, vêtu uniquement de son étui pénien. Personne ne semble lui prêter attention, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer la vie de cet homme, qui a connu le basculement total d’un peuple de l’âge de pierre à la civilisation moderne. Il y a seulement quelques dizaines d’années, Wamena était encore inconnue du reste du monde, et lui était un jeune guerrier, courant le nez et les oreilles parés de plumes et d’os, dans une jungle dont il connaissait tous les secrets.
Son quotidien était rythmé par les combats avec les tribus ennemies et les terres fertiles de son village où il vivait une existence simple et heureuse. Aujourd’hui Wamena s’est considérablement développée, et ce vieil homme semble perdu dans la folie d’un monde incompréhensible. La tristesse de cette vision anachronique me marquera à jamais. Aux portes de l’aéroport, une foule de Papous semble attendre…
© Carnet de voyage de David Scholl à découvrir dans Numéro 30
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