Trop vite
– EXTRAIT –
Il s’en est fallu de peu pour que j’embarque dans un road trip à bord d’une 504 Peugeot à destination de Pékin à la fin des années 1980. Trente ans plus tard, j’y suis… Certes, le pays n’est plus le même qu’hier et à des années-lumière de celui que j’aurais découvert alors. Tout va vite ici. Trop vite peut-être… Le chemin que notre vieille Europe a parcouru depuis la révolution industrielle, la Chine le rattrape au pas de course depuis quelques décennies à peine. Après des années de privation pour beaucoup, l’ivresse d’une telle accélération doit être vertigineuse pour les hommes de pouvoir comme pour ceux qui ont pris le train en route. Ce pays n’est pas le plus attachant de ceux que nous ayons parcourus. L’obstacle de la langue y est pour beaucoup : personne ne parle anglais. Le brouhaha est omniprésent, assourdissant. La foule est dense, démographie oblige, et tous parlent fort. La discrétion est une valeur absente.
Les paysages urbains mais aussi ruraux sont souvent entachés d’ouvrages en béton, de chantiers, de grues… Ce pays fait couler beaucoup d’encre. De fait, nous pensons le connaître. Il va pourtant nous étonner par ses contrastes comme jamais aucun pays ne l’a fait jusqu’alors. Il fait le grand écart. Je ne parle pas de ses disparités sociales mais d’autres facettes et qui sont sans doute prédictives de l’avenir de cette grande puissance. Certains Chinois se montrent charmants, d’autres font preuve d’une indifférence royale voire même d’une grande incorrection. Entrer dans une boutique sans que le commerçant ne lève les yeux de l’écran de son smartphone est ici monnaie courante. Alors que j’en examinais les articles, je me suis trouvé chassé sans ménagement de son échoppe par un marchand de pinceaux sans en comprendre la raison.
En dépit de notre âge, nous restons des curiosités puisque de nombreux jeunes demandent à nous prendre en photo. Nous sommes loin de la convivialité moyen-orientale. Il est rare ici d’être conviés pour un repas, un thé. Le flegme semble la règle dans la vie publique. Un soir, je croise un homme qui attire mon attention tant il semble mal en point. Comme je m’inquiète pour lui, il me regarde, surpris que l’on s’intéresse à lui, avant de passer son chemin sans mot dire.
Carnet de voyage d’Antoine Guillaume à découvrir dans la revue Bouts du monde Numéro 53
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