Un bien mauvais pas
-EXTRAIT-
Le vent s’est tu. Le jour se lève sur un monde immuable, sur l’immensité du silence. Céruléen comme aux premiers instants du monde, le ciel se teinte d’écru et d’ivoire. Le jour se lève avec la clarté cristalline des matins de glace. Juste devant le refuge, je sens sous mes pieds nus une fine couche de gelée, comme une poussière d’étoile née des ombres de la nuit qui scintille et blanchit la roche sombre tandis que point l’aurore. L’eau du lac n’est troublée d’aucune ride et ses bords sont pris par le gel et la glace. Dans le lointain, Askja est plus incertaine, la caldeira a repris son gris taupe parsemé d’un blanc fatigué, signe de la fonte rapide de cette neige d’été. Le ciel au sud-est est barré de nuages élevés. Libéré de la colère du vent, l’horizon me paraît plus lointain, le jardin du monde plus vaste encore, un jardin qui devient un océan et au-delà, un cosmos et je suis là, singulier, minuscule, beau de mes folies et petit comme un géant. Le soleil glisse entre mes doigts comme l’air et le temps.
Libéré de la colère du vent, l’horizon me paraît plus lointain, le jardin du monde plus vaste encore, un jardin qui devient un océan et au-delà, un cosmos et je suis là, singulier, minuscule, beau de mes folies et petit comme un géant.
Je prends mon petit déjeuner que j’accompagne de paracétamol et d’aspirine. Je range mon sac que j’ai pour la première fois du voyage laissé en désordre la veille, alors que d’habitude je le refais chaque soir, comme un rituel. Je mets ma veste, sors du refuge et ferme la porte. Mon genou ce matin ne me lance presque pas. Je doute un instant de la réalité de la situation, mais quelques minutes suffisent pour rappeler la douleur et les kilomètres qui me restent à faire.
Carnet de voyage Askja Islande – Julien Pascual – À découvrir dans Bouts du monde 58
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