Un chemin jusqu’au cap Nord
-EXTRAIT-
Paimpol, le 6 mars, reprise
Réveil sans réveil à 6 h 30, comme si mon corps répondait instantanément à l’appel du chemin. Je traîne, je me force à prendre mon temps. La première étape est courte, pas d’urgence… et puis il faut dire que je tâtonne encore un peu dans l’organisation de mon sac à dos. Même si le matériel est presque identique à celui de l’an dernier, je dois confesser que je me suis un peu embourgeoisé. Plus de 2 kg de plus… quelques vêtements en plus, 20 000 mAh de batteries externes, 2 livres de poche… et un peu de nourriture lyophilisée. Je longe une côte magnifique déchiquetée et particulièrement casse-patte avec ses multiples escaliers. J’enchaîne les marches par centaines. Nul besoin d’aller dans une salle de sport pour faire du step. Je retrouve vite mes automatismes, le grincement d’une sangle ventrale mal fermée, les réglages pour trouver le point d’équilibre du sac à dos Le voyage commence différemment de celui de mars 2022. Il est beaucoup plus rude. « La misère est plus belle au soleil »… La côte et le chemin aussi. Je croise Denis qui me bougonne un bonjour, comme pour me dire « Foutez-moi la paix » ! Gastro-entérologue proche de la retraite, il fuit l’agaçante prise en main du service par sa jeune assistante. Il ne comprend plus le fonctionnement de cette médecine privée fondée sur le profit, n’accepte pas qu’on lui refuse un investissement de sécurité essentiel au nom de la rentabilité. Un choc de culture, un choc de générations que le chemin tente d’apaiser… en vain.
Saint Malo, Cancale et la côte d’Opale, je chemine de ravissement en ravissement. Les reflets du soleil sur le sable habillent d’une robe d’argent le majestueux Mont-Saint-Michel autour duquel je tourne dans un 360 degrés presque parfait. Mes yeux coulent devant tant de beauté. Je passe le 5 000e kilomètre au cap de La Hague.
Carantan, le 26 mars, kilomètre 5 000
Saint Malo, Cancale et la côte d’Opale, je chemine de ravissement en ravissement. Les reflets du soleil sur le sable habillent d’une robe d’argent le majestueux Mont-Saint-Michel autour duquel je tourne dans un 360 degrés presque parfait. Mes yeux coulent devant tant de beauté. Je passe le 5 000e kilomètre au cap de La Hague. À Cherbourg, je teste le cinéma à distance avec mon épouse. Même film même horaire… mais dans deux villes différentes. Une affichette Vigipirate interdit l’accès aux valises et autres sacs à dos. Je le porte, l’air de rien, comme un vulgaire petit sac à main. Le contrôle est passé, le film peut commencer. Les Chemins noirs de Sylvain Tesson avec Jean Dujardin. Le livre et le film se terminent à vingt kilomètres de là, au nez de Jobourg. J’en viens. C’est vraiment sympa d’être dans le thème, en costume d’époque, complètement crotté, pantalon déchiré. Au moment du générique de fin, je remonte l’allée avec mon sac sur le dos, donnant l’illusion aux spectateurs que l’acteur sort de l’écran. Je suis apostrophé par un groupe de retraités amusés par la scène. « Vous allez au nez de Jobourg ? » « J’en viens ! » Nous poursuivons l’échange en sortant du cinéma, le parcours, les détails, mes découvertes… un bel échange qui rompt la profonde solitude du chemin côtier, très peu fréquenté en ce mois de mars glacial et humide.
Carnet de voyage au cap Nord Norvège de Christophe Vesco à découvrir dans Bouts du monde 58
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