Un dimanche à Pékin
– EXTRAIT –
Fin d’après-midi, je sors du musée et cherche un vélo en libre-service pour aller boire un café dans le quartier Nanluoguxiang dans le centre. Je longe à un moment un petit canal dans un quartier ancien rénové avec goût. Des Pékinois se promènent une laisse à la main. C’est dimanche, on promène le chien. Un homme promène, lui, son cochon rose blanc, noir, mastoc, un harnais autour des épaules.
Je me dirige vers le café « Traveler time » dans la rue Beilaoguxiang où j’ai mes habitudes depuis deux ans. Il est situé dans une petite cour, la salle est assez exiguë, les meubles, disparates, sont de récupération. Il n’y a jamais plus de dix consommateurs qui, quand ils parlent, le font de façon feutrée, une chose rare dans la ville. Un mainate siège en hauteur dans sa petite cage. De temps à autre, il émet un son pour signaler sa présence aux clients qui ne l’auraient pas remarqué. Il y a aussi « Pompom », le chat gris, qui aime jouer au prince de la maison en se pavanant sur le dos d’un gros fauteuil de vieux cuir ou encore reste allongé bien au chaud sur un court espace à côté des tasses sur la machine à café.
Je pousse la porte. Elle résiste. Je regarde par le carreau. Je vois des murs blanc triste, complètement dénudés. Dans la cour, des morceaux de planches en bois, quelques objets de décor sont empilés, prêts à être ramassés. J’en reconnais quelques-uns. Où sont les êtres qui habitaient ce lieu, où est parti l’esprit du lieu ?
La patronne est une jeune femme très élancée d’une trentaine d’années, plutôt dans le genre alternatif. Nous avons sympathisé. On boit chez elle thé et café. On peut y lire des livres consacrés au voyage, disposés sur des étagères, y acheter des photos-cartes postales qui toutes présentent des gens du Tibet. Là, ce n’est plus alternatif, c’est rebelle. Je pousse la porte. Elle résiste. Je regarde par le carreau. Je vois des murs blanc triste, complètement dénudés. Dans la cour, des morceaux de planches en bois, quelques objets de décor sont empilés, prêts à être ramassés. J’en reconnais quelques-uns. Où sont les êtres qui habitaient ce lieu, où est parti l’esprit du lieu ? Un petit monde de quiétude, d’invitation au voyage dans les allées des étagères, a été démantelé, anéanti. J’ai un pincement au cœur.
Je reprends la rue Beilaoguxiang vers la rue Guloudongjie. Je m’arrête au café « Voyage ». Il y a deux ans il arborait une grande baie vitrée laissant voir l’intérieur du lieu jusqu’à ce que les autorités locales décident, comme pour tous les établissements similaires de cette même rue, de murer les façades avec de la brique grise ne laissant que quelques petites fenêtres carrées à la place, soi-disant pour rester dans le style local. Comme me dira une des employés du café à qui je demandais les raisons de ce remaniement, ici, on ne cherche pas à comprendre pourquoi.
Carnet de voyage d’Alex Cormanski à lire dans la revue Bouts du monde Numéro 53
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