Un été arctique
– EXTRAIT DU CARNET DE THÉO GIACOMETTI –
Alors que la chaleur se fait écrasante dans le Sud de la France en ce mois de juin, je finis de charger dans mon sac ma doudoune, ma polaire et mon duvet. Cette nuit, quand le soleil se couchera, je prendrai la route, l’avion, l’avion encore, et enfin un bus jusqu’à Kiruna. Me voilà parti avec mon ami de toujours pour une aventure inoubliable : près de deux cents kilomètres à pied, en autonomie totale à travers le territoire des Samis, des rennes et du soleil de minuit. Une histoire de marche, de neige et d’amitié.
Après seize heures de voyage, on pose enfin le pied en Laponie. Une piste, un vol par jour, un bus. Kiruna, 67 ° de latitude nord, 250 kilomètres au nord du cercle polaire arctique, une mine de fer et des sacs à dos restés à Stockholm. Avant même d’avoir commencé à marcher, cette aventure met déjà nos nerfs à l’épreuve. Et nous en ferons plusieurs fois le constat, une grande complicité entre partenaires dans ce genre d’aventure est vitale. On arrivera finalement le lendemain matin à Nikkaluokta, pour le départ d’un trek de dix jours le long de la Kungsleden, une piste de plus de quatre cents kilomètres reliant Hemavan à Abisko. Nous ne parcourrons que la partie septentrionale de cette voie, entre Nikkaluokta et Abisko.
Dès la première soirée, cet environnement hors du commun nous déstabilise : un plafond de nuages bas et un soleil qui nous tourne autour sans cesse. Il semble ne plus y avoir ni Nord ni Sud, ni aube ni crépuscule. Juste une lumière grise et froide, irradiant de grandes vallées, où la végétation se bat pour survivre à travers les névés immortels.
Nous progresserons de Nikkaluokta jusqu’au Kebnekaise, point culminant du pays, puis plein nord jusqu’à Abisko. En prenant de l’altitude, la neige est de plus en plus présente en ce mois de juin, et les températures ne cessent de descendre. La pluie et la neige se chassent l’une l’autre. L’appareil photo commence à faire des siennes et les affaires ont du mal à sécher. Mais tout au long de notre aventure, nous avons le bonheur d’être accompagnés par des rennes sauvages, fantômes imprévisibles du vidda, discrets mais pas si farouches, nous surveillant de loin.
Carnet de voyage de Théo Giacometti à découvrir dans Numéro 47
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