Carnet de voyage - France
Un maillot jaune à travers champs
Traverser le France en diagonale, depuis Dunkerque jusqu’à Hendaye. Après un long printemps confiné, Stéphane Dugast a eu envie d’accomplir enfin ce « vieux » rêve qui lui trottait dans la tête depuis plus de vingt ans. Alors, avec « Raymond » son vélo, il a quitté les rives de la mer du Nord pour rejoindre l’océan Atlantique. Il était temps, et même urgent, de vivre au grand air et de respirer à pleins poumons une liberté retrouvée.
– EXTRAIT –
Le 15 juillet, 14 heures à Bray-Dunes, la commune la plus septentrionale et la plus au nord de France, outre-mer inclus. Kilomètre 0, je suis sur la ligne de départ de mon aventure, à quelques centaines de mètres seulement de la frontière avec la Belgique. Le vent se lève, me renifle. Au loin, la mer moutonne. Et dire que je vais lui tourner obstinément le dos durant six semaines, le comble pour l’ancien reporter marin que je suis ! J’ai dans mes sacoches des montagnes de questions. Je fixe une dernière fois ce paysage pour le conserver intact dans ma boîte à souvenirs. Cap au sud-ouest pour une odyssée exclusivement terrestre. La brise devenue subitement frisquette et l’averse probable, incitent peu à la rêverie. Je ne peux raisonnablement plus rebrousser chemin. Le vertige est total d’autant que l’itinéraire de mon voyage me paraît désormais interminable. Cette longue diagonale qui part de la frontière franco-belge virant en un « S » incliné jusqu’à la frontière franco-espagnole m’effraie. Si tout roule, je serai néanmoins à Hendaye, dernière ville française du littoral avant l’Espagne, mon terminus, dans pile-poil quarante jours.
« Traverser la France en bicyclette, quelle idée à la con ! »
À quelques minutes de partir, je suis paradoxalement impatient de voir bientôt défiler les kilomètres et les paysages de cette « douce France » que j’imagine, celle des clochers, des villages, des champs, des vignes, des forêts, des fleuves, des rivières et des canaux. Je vais emprunter un itinéraire que j’ai tracé autant que possible à l’écart des pôles d’attractivité et des zones touristiques trop fréquentées de notre pays. À vélocipède, l’aventure est partout, mieux, elle se révèle vite féconde de l’aveu de tous ses adeptes. Je me suis offert une parenthèse insolite dans ma vie de papa, de mari et de travailleur indépendant. « Tu vas vivre une sacrée belle échappée, salopard », m’a glissé, amusé, un ami tandis qu’un autre me tançait : « Traverser la France en bicyclette, quelle idée à la con ! ».
Une chose est certaine : le vélo nomade – le « cyclotourisme » pour les puristes ou le bikepackingpour les plus branchés – est un art de vivre, garantissant de vivre une odyssée en harmonie avec la nature, et in fine avec soi-même. 2 200 kilomètres, quarante jours et trente-cinq étapes, le menu de cette aventure estivale, est, sur le papier, copieux. J’ambitionne bien entendu d’accomplir ce voyage à la seule force de mes mollets et de mon mental. Pour mener à bien mon entreprise, je peux heureusement compter sur un complice fidèle et taiseux : Raymond, douze kilos à vide et trente kilos avec mes bagages (au départ). J’ai ainsi baptisé mon vélo en hommage à un résistant parisien : Raymond Losserand. Ce sobriquet était également un clin d’œil au plus populaire des champions cyclistes disparu alors récemment : « Poupou » alias Raymond Poulidor. Avec pareilles références, l’aventure promet d’être belle et féconde.
Carnet de voyage de Stéphane Dugast à découvrir dans Bouts du monde 49
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