Un piano à travers l’Himalaya
– EXTRAIT –
Les conditions sont incongrues : Alexandre devra voyager accompagné de quarante caravaniers saltimbanques âgés de 7 à 75 ans, d’un piano à queue et d’un pianiste épris d’amour ! Le projet le plus fou sur lequel il ait jamais travaillé en tant que réalisateur.
La caravane doit partir en juillet 2018 de Delhi, l’objectif étant d’arriver un gros mois plus tard, au Festival Shoton de Lhassa, après être passé par le Népal. Le but du voyage est d’envahir les pays d’amour et de musique, de créer du lien. En tant que co-réalisateur, Alexandre devra filmer ces moments de grâce. Le premier point qu’il relève, ce sont ces quarante personnes qu’il va falloir faire voyager ensemble. Une véritable aventure humaine. Or, à quelques jours du départ, et après s’être entretenu avec Marc et Michel pour régler les détails de l’épopée, il prend conscience d’un détail non négligeable : la caravane parcourra le trajet de Delhi à Lhasa en pleine mousson. De quoi compliquer les conditions de tournage. Qu’à cela ne tienne, au téléphone Marc n’est pas anxieux. Ils verront bien sur place. D’ailleurs un autre détail n’est pas encore réglé : à l’heure du départ, aucun caravanier n’a obtenu son visa pour le Tibet. Mais là encore, aucune inquiétude du côté de Marc.
Delhi
Quand Alexandre arrive à Delhi, tous ses sens, d’un coup, sont sollicités. La vie grouille de partout et pénètre par tous les pores. Les pluies diluviennes lui tombent dessus et le trempent des pieds à la tête. Lui s’adapte, mais que va-t-il en être du piano censé être baladé dans la circulation dense et humide de la capitale indienne ?
Habitués à ce que tout se passe pour le mieux, les caravaniers font preuve d’un entrain et d’un optimisme admirables. Sans attendre, ils se sont lancés dans les ruelles alentour, les habillant de leurs mimes, rires, chants, sons de flûtes et d’accordéons.
Pour l’heure, l’instrument est coincé à la douane. Cela n’inquiète pas Marc. D’expérience, il sait qu’il finira par le récupérer. Ce qui interroge Alexandre en revanche, c’est le transport du piano. Une grève surprise immobilise la société censée s’en occuper. Là encore, Marc n’est pas inquiet ; on finira bien par trouver une solution ! En attendant que ces problèmes se règlent d’eux-mêmes, Alexandre rejoint Majnu–Ka-Tilla, le quartier tibétain de Delhi où les caravaniers ont établi leur camp de base. Habitués à ce que tout se passe pour le mieux, ceux-ci font preuve d’un entrain et d’un optimisme admirables. Sans attendre, ils se sont lancés dans les ruelles alentour, les habillant de leurs mimes, rires, chants, sons de flûtes et d’accordéons. Dans l’heure creuse de l’après-midi, ils ont fini par créer un attroupement sur une placette ombragée. Les enfants sont les premiers à se laisser séduire mais les femmes et les hommes suivent. Initialement intimidés, ces spectateurs finissent par devenir acteurs et par jouer le jeu des caravaniers. Ils échangent un pas de danse, touchent les instruments, grattent une corde de guitare. Un véritable instant de partage surgit alors, de nulle part, sans aucune préparation. Alexandre est subjugué par le processus. Il n’imaginait pas que ce soit si efficace, si naturel, si facile d’embarquer les gens dans le projet fou de Marc.
Côté piano, les choses avancent. Marc a libéré l’instrument – arrivé sain et sauf – de la douane, et surtout, le patron de l’entreprise de transport a réussi à trouver un chauffeur qui accepte de faire le trajet jusqu’à la prochaine destination. La suite s’improvisera ! Pour le remercier, Marc n’hésite pas une seconde : il fait venir les bus de la caravane dans les locaux du transporteur et improvise un spectacle. Tous les employés sont réunis dans le hangar des machines où le piano est déballé de sa caisse de transport. Marc s’installe sans attendre et offre un concert aux employés. Mais il n’est pas là pour faire le concertiste. Rapidement, le temps de la danse et des amusements est lancé. Ses acolytes vont à la rencontre du public exclusivement masculin. Quelque peu surpris et impressionnés, les hommes ne tardent pas à se prendre au jeu. Magie de l’instant. Quelque chose se passe : un échange improbable entre une bande de touristes occidentaux délurés et les employés bien sages d’une entreprise de transport delhiite.
Récit de Laetitia Klotz et photographie d’Alexandre Sattler à découvrir dans Bouts du monde 60
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