Une passion enfouie
-EXTRAIT-
J’aurais voulu dessiner tous les temples. Dès l’abord, je fus subjugué. Je croyais que ce n’était plus de mon âge. Eh bien non, le coup de foudre peut frapper à tout âge, j’en avais la preuve. Devant le Bayon, je me serais prosterné. Je ne savais pas l’horreur sous-jacente. On me l’apprendrait bien assez tôt. Mais commençons par le commencement. Disons décembre 2013 : en famille, d’un coup d’avion Pékin – Siem Reap, nous satisfaisons un vieux rêve de carte postale : voir les ruines d’Angkor. La faute à Pierre Loti, bien sûr, (« À des époques imprécises, cette ville, depuis des siècles ensevelie, fut une des splendeurs du monde » Le pèlerin d’Angkor) et à l’engeance trompeuse des photographes, qui vous transforment un tas de gravats – l’empire Khmer – en splendeur mythique.
Et l’archéologie dans tout ça ? L’art qu’est au logis ? Je ne suis pas archéologue, encore moins historien. Si j’aime fouiller, c’est plutôt le présent que je gratte.
Nous arrivons à six heures du matin devant Angkor Thom dans le touk-touk de Monsieur Mab, qu’on nous a recommandé. Soudain, la carte postale se déplie en trois D – et stupeur : merveille ! Quelle merveille que ce monde khmer ! Nous n’avions que trois jours. L’avantage (et l’inconvénient) du coup de foudre, c’est que ça écourte les préliminaires. En trois jours, montre en main, je dessinais trois temples, le Bayon, le Ta Prohm et Angkor Vat. Il ne m’en restait plus qu’une cinquantaine. Mais que pouvais-je apporter de neuf à l’imagerie démodée d’Angkor ? Après les dessins d’Henri Mouhot le redécouvreur, les exubérantes gravures tirées de ses croquis, après les aquarelles de Delaporte, les aquarelles néo-impressionnistes de Jean Commaille, le premier conservateur, après les visions hallucinées de Loti et les superbes fusains d’André Maire, comment renouveler la vision ?
Et l’archéologie dans tout ça ? L’art qu’est au logis ? Je ne suis pas archéologue, encore moins historien. Si j’aime fouiller, c’est plutôt le présent que je gratte.
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