Ville monde
– EXTRAIT –
Etudiante, chaque lundi à la pause de 10 heures, je me ruais sur le Paris Boum Boum tout frais à la boulangerie face à mon école. Je n’attendais pas une seconde de plus. J’ouvrais toujours à la rubrique « immobilier » et j’entourais toutes les annonces « Montreuil – 3 pièces – jardin – proche métro ». Il y en avait plein et ça coutait environ 80 000 francs. Et le soir en rentrant, je les montrais à ma mère qui avait toujours la même réponse : « Je n’ai pas assez d’argent ». Alors, Montreuil-sous-Bois, c’était comme un rêve, un fantasme, une ville parfaite. Des années durant, je me suis imaginée aller habiter là-bas. Déménager à même pas quatre kilomètres d’où j’étais alors, d’où j’ai grandi. Ma motivation majeure, à l’époque, était que c’était desservi par le métro. Pas comme « chez moi ». Quand j’ai décidé de me fixer et de m’endetter pour plusieurs années, sans jamais y avoir mis les pieds, la destination était toute trouvée. Quinze ans séparent ces deux moments.
Sans avoir vraiment d’explication, j’ai immédiatement compris que je n’aurais jamais envie d’en partir. Ce n’est pas la beauté des lieux qui me procurait ce sentiment, mais l’ambiance. Des odeurs, des langues, des tissus colorés, des cuisines, des cultures allant de l’Europe à l’Afrique, des Amériques à l’Asie. Tout cela est dû à l’incroyable mixité sociale et aux si nombreuses nationalités qui se côtoient paisiblement ici. On retrouve ce melting-pot dans d’autres villes de la banlieue parisienne, et même de la « banlieue » tout court. Mais de Montreuil émanent cette légèreté ambiante et cette fraternité naturelle. Cette sensation de vie de village dans cette si grande ville. Les gens qui s’y sourient si souvent. Les gens qui s’y parlent si facilement. Les gens qui ne s’y agressent pas. Ce n’est pas l’idée première que l’on a de la « banlieue ».
Carnet de voyage de Cendrine Bonami-Redler à découvrir dans Numéro 38
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