De brume et de froid
-EXTRAIT-
Cela fait près de deux mois que nous sommes partis de Hambourg en Allemagne à vélo pour traverser un hiver autour de la mer Baltique. Nous souhaitons comprendre la relation « nature / culture » dans les pays baltes et en faire un documentaire, Aux pays des brumes. La fin de cette aventure ne sera pas géographique mais temporelle. Tout prendra fin avec l’apparition du premier bourgeon.
Je reprends mes notes et me replonge en Lituanie. « L’hiver a la faculté de tromper vos sens, c’est la graduation des émotions. Un instant suspendu de paix, où le silence devient visuel ». S’il fallait résumer le pourquoi d’un voyage en hiver, je dirais qu’il tient dans ces quelques phrases écrites dans la tente, au fond de mon duvet. La Lituanie vit alors la tempête de neige la plus importante de la décennie. Chaque jour, ce sont près de cinquante centimètres qui s’accumulent. La magie qui vous tombe dessus.
La Lituanie est un pays plat. On ne peut pas dire que les quelques « Piliakalnis », collines vestiges de la dernière ère glaciaire, défient l’horizon. Et pourtant, les paysages sont fantasques. Tout, ici, relève du conte. La moindre courbe de rivière, le simple bosquet, la maison de bois solitaire, tout semble animé.
Les rivières lituaniennes sont d’ailleurs liées par une légende. Celle de la Neris qui rêvait de rejoindre le grand fleuve Nemunas. La rencontre et le mariage de ces deux cours d’eau a réjoui tous leurs affluents qui ont célébré l’union en créant des méandres majestueux à travers toute la Lituanie. Ils nous enrobent de leurs courbes laiteuses, seules variations de ce royaume de l’horizontalité.
La Lituanie est un pays plat. On ne peut pas dire que les quelques « Piliakalnis », collines vestiges de la dernière ère glaciaire, défient l’horizon. Et pourtant, les paysages sont fantasques. Tout, ici, relève du conte. La moindre courbe de rivière, le simple bosquet, la maison de bois solitaire, tout semble animé.
Que demander de plus ? De l’apricité ! Du latin apricitas, apricus, que l’on pourrait traduire par la chaleur relative du soleil d’hiver. C’est un terme qui a presque disparu de la langue française. Obsolète selon les dictionnaires. Plus il fait froid, plus il y a de chances de témoigner de cette apricité. C’est le paradoxe de l’hiver qui envoûte les visiteurs des régions glacées. C’est la dichotomie entre ce que l’on voit et ce que l’on ressent. D’un extrême à l’autre, on témoigne de la magie du monde, sa douceur et son hostilité. Et cela enchante tellement que l’on rêve de revivre encore et encore ces scènes surréalistes.
Dans les pays des brumes, comme nous aimons les appeler, cette apparition soudaine du soleil réchauffe notre cœur autant que le paysage. D’un bleu pâle, les forêts deviennent flamboyantes et pourpres. Les rayons réchauffent les troncs, les houppiers laissent échapper de fines gouttes de neige fondue. Un matin, c’est la sublimation, nous observons la brume d’évaporation danser sur le sol gelé. Et puis monter, nous envelopper, nous étreindre et presque nous étouffer.
Voyager à vélo avec le carnet de Sophie Planque à découvrir dans Bouts du monde 58
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