Sans les gants
-EXTRAIT-
On dit que l’Islande en hiver est le paradis des photographes ; c’est aussi le paradis des artistes, ainsi que de tous ceux qui sont à la recherche de nature sauvage, de paysages dramatiques et de terres presque inhabitées ou presque inhabitables. La variété des textures amenées par les formations rocheuses et le climat brutal de cette jeune île était exactement à la hauteur de mes attentes, mais c’est la lumière qui m’a surprise dès notre arrivée. En décembre, le soleil ne se lève pas bien haut dans le ciel, et guère plus de quatre heures, ce qui nous a donné des ciels rosés toute la journée se reflétant dans la neige, révélant de vrais tableaux à chaque tournant du regard. Les paysages créent une atmosphère unique et le premier jour, je n’ai pu détourner mes yeux pour dessiner, tellement j’étais hypnotisée par ces phénomènes. Le but de ce voyage était de goûter à l’Islande comme si nous en faisions partie. Hors de question de prendre un bus pour réaliser le tour de l’île en quelques jours. Non, je voulais devenir, l’espace de quelques mois, une Islandaise. Nous avons commencé par nous installer dans une petite cabine à Laugarás, dans le sud de l’île, relativement isolée, mais avec de l’électricité et de l’eau chaude. Il y faisait si froid que nos gourdes gelaient, l’humidité de notre respiration créait de la neige sur la paroi de la toile et nous tombait dessus périodiquement. En montagne, il neige même dans les tentes ! « Ne vous inquiétez pas, je ne fais que passer », chuchotais-je aux montagnes.
Le vent balaye aussi la neige au sol, révélant des hautes herbes cuivrées, brûlées par le froid, mais toujours un mets de choix pour les chevaux islandais. En allant à leur rencontre, je décide de prendre mon courage à deux mains et sors mon carnet de croquis.
L’altitude n’est pas vraiment un problème en Islande, le plus haut pic étant à 2 100 m (Hvannadalshnjúkur), c’est le vent notre plus grand ennemi. Même avec un équipement de haute montagne, le vent nous bousculait et figeait le moindre centimètre de peau exposée. Nous avions la sensation d’avoir de l’acide propulsé à 150 km/h sur nos visages tout fragiles d’Européens. Mais le corps humain est exceptionnel d’adaptabilité et au bout de trois jours, la brutalité de la météo a cessé d’être notre principale préoccupation.
Avides de marche à pied, nous nous sommes très vite aperçus que les distances sont très étendues et que la voiture reste le meilleur moyen de se déplacer. Le vent balaye aussi la neige au sol, révélant des hautes herbes cuivrées, brûlées par le froid, mais toujours un mets de choix pour les chevaux islandais. En allant à leur rencontre, je décide de prendre mon courage à deux mains et sors mon carnet de croquis. Une aurore de plusieurs heures venait entourer les bêtes d’une couronne enflammée et imprégnait l’atmosphère d’une magie inexplicable. D’un de ses sabots, un des chevaux cassait la glace d’une flaque d’eau pour se désaltérer, brisant ainsi un silence cristallin… Mon aquarelle se glace trop vite sur mon papier et je décide donc de rester au crayon, soufflant sur mes doigts pour les réchauffer. Les gens qui choisissent de vivre ici savent que les désagréments valent la peine d’être endurés.
Voyager en Islande avec le Carnet d’Adèle Heguy-Leyris à découvrir dans Bouts du monde 58
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