Dans le sillage des dhows
– EXTRAIT –
Abdulazag s’apprête à partir vers la Somalie qui est, avec l’Iran, la destination de la plupart des bateaux de la Creek : ce n’est donc pas avec lui que nous voyagerons, hélas – sa compagnie aurait été agréable. Les boutres en route vers l’Inde se trouvent au port de Sharjah. Il nous suggère de nous y rendre bien qu’il juge notre projet d’embarquer très incertain : « Too much problems : custom, pirates… » Il a du mal à comprendre ce qui nous attire vers ces boutres : « Ils n’intéressent personne ! » Comment lui expliquer qu’ils nous insufflent des envies d’aventures ? Que ces dhows, dans un monde régi par l’empressement et l’excès, symbolisent à nos yeux une forme de résistance. Et que leurs marins nous apparaissent comme des anonymes dont on méconnaît la bravoure.
Un Émirati – ils sont rares en ces lieux où abonde la main-d’œuvre émigrée – nous interpelle, plus anglophone : « Dhows for India ? Not here. Go to Hamriya port, Dubaï ! » Nous ne sommes encore pas au bon endroit. Notre espoir depuis deux mois est comme une chèvre sur le djebel : un jour il galope vers une crête puis, le suivant, descend dans une combe.
Une longue course en taxi nous emmène le lendemain vers le port voisin de Sharjah, principale cité de l’Émirat du même nom. Apparaissent des dizaines de dhows à quai dans un bassin bordé de plusieurs belles mosquées et de souks. Certains sont tellement vétustes qu’il faudrait être un nostalgique de l’Antiquité pour s’embarquer sur l’un d’eux… Sur une petite abra pétaradante, nous gagnons l’autre rive et la zone industrielle du port, dans un épais nuage de fumée pour débarquer parmi un fouillis de marchandises jetées en vrac, sur des quais recouverts d’une poussière noire – sortie des innombrables sacs de charbon arrivés de Somalie. Les regards se figent à notre arrivée avec une curiosité amusée.
Nous trouvons avec peine un homme parlant un peu d’anglais.« Les dhows ici vont vers l’Iran, ou parfois au Yémen. » Craignant d’avoir mal compris, nous en interrogeons plusieurs, mais tous confirment ces informations. De même, dans la gargote proche, où un cuisinier suant au-dessus de ses fourneaux sert aux manœuvres du port des currys aussi épicés que ceux de leur terre natale. Étanchant notre soif sous la chaleur implacable, nous tâchons de rassembler nos esprits où les données errent comme des satellites égarés. Un Émirati – ils sont rares en ces lieux où abonde la main-d’œuvre émigrée – nous interpelle, plus anglophone : « Dhows for India ? Not here. Go to Hamriya port, Dubaï ! » Nous ne sommes encore pas au bon endroit. Notre espoir depuis deux mois est comme une chèvre sur le djebel : un jour il galope vers une crête puis, le suivant, descend dans une combe.
Carnet de voyage de Claire & Reno Marca à découvrir dans Numéro 29
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