Du 18 au 20 novembre 2022, nous étions présents au Rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand. Nous avons profité de cette occasion pour échanger avec des artistes voyageurs qui ont publié dans la revue Bouts du monde. Carnettiste, auteur et illustrateur, il remplit ses carnets de voyage de récits, d’illustrations et de témoignages de personnes rencontrées sur son chemin. Découvrez l’interview de Philippe Bichon.
D’où vient ton envie de voyager ?
La passion du voyage m’est venu de lectures, de documentaires et de rencontres avec d’autres voyageurs.
Quel était ton premier voyage ?
À 21 ans, j’ai effectué un premier voyage à destination de la Thaïlande. Cependant, pour une première fois, j’ai senti qu’il me manquait quelque chose de primordiale. Ayant voyagé avec un ami, nous sommes beaucoup restés entre nous et n’avons pas été à la rencontre des gens. À cette époque, je ne dessinais pas encore. Pour moi, le dessin est le meilleur moyen de faire des rencontres.
Dans quel but as-tu commencé les carnets de voyage ?
Au départ, je réalisais des carnets de voyage uniquement pour garder une trace de mes péripéties. Je n’avais pas imaginé que tenir un carnet me ferait voyager différemment, plus lentement et me permettrait de faire des rencontres. Je pensais montrer ces carnets exclusivement à mon entourage proche et n’avais jamais écrit de journal, ni dessiné en dehors de chez moi ou de mes études d’architecture avant de réaliser mon premier carnet de voyage.
Pour ce tout premier carnet, je suis parti de Pau à Marseille en stop. Là-bas, en attendant le bateau, je me suis mis à dessiner le port de Marseille. Lorsque j’ai dessiné dehors pour la première fois, je me suis rendu compte que cela attirait les gens. Une personne est venue me parler, nous avons discuté et sommes allés manger au restaurant. Tout le voyage s’est déroulé ainsi.
Quel est l’intérêt d’un carnet de voyage ?
En plus de faire de belles images, l’intérêt principal d’un carnet de voyage est de voyager autrement. Quand on dessine, on voit les choses différemment. Au lieu de multiplier le nombre de visites, on ne choisit que quelques lieux et on prend le temps de les observer et de les dessiner.
L’autre avantage est que, lorsqu’on se replonge dans un dessin réalisé il y a quinze ans, les souvenirs sont intacts. On sait exactement ce qu’il s’est passé à ce moment précis et on se rappelle des personnes que l’on a rencontrées.
Que préfères-tu dessiner ?
Je préfère l’architecture du fait de ma formation. La rencontre avec les gens, je l’aborde plutôt à l’écrit. Il m’arrive parfois de réaliser des portraits. Dessiner un portrait est assez complexe, mais cela s’améliore au fur et à mesure de la pratique, comme dans tout domaine. Pour le portrait, il faut que le dessin ressemble à la personne, il faut respecter l’âge, mais aussi réussir à saisir qui elle est. Faire un portrait à partir d’une photo est plus simple que de le faire sur le vif. Il n’est pas possible pour une personne de garder la même expression faciale. Au bout d’un moment passé à la dessiner, son visage va devenir inexpressif et ne plus refléter sa personne.
Tu préfères tout dessiner sur le moment ou après ?
Généralement, il est facile de reconnaître lorsqu’un dessin a été réalisé sur place ou non. Beaucoup font le dessin sur place et l’aquarelle à la maison. Mais faire l’aquarelle sur place permet d’avoir les lumières. Cependant, ce n’est pas un exercice simple puisque le temps change rapidement. On peut commencer un dessin sous le soleil et le finir à l’ombre. Ce cas de figure m’est arrivé de nombreuses fois. Pour terminer le dessin, il faut faire appel à ses souvenirs et imaginer comment c’était avant.
Combien de temps te faut-il pour réaliser un dessin ?
Je ne suis pas dans l’accumulation de croquis très rapide. Dessiner peut me prendre aussi bien une trentaine de minutes que quatre heures. Souvent, j’ai du mal à répondre à cette question de temps, car, lorsque je dessine, les personnes s’intéressent à ce que je fais et viennent regarder mes carnets. Je conçois le carnet comme un moyen de partage avec les personnes rencontrées.
À quoi ressemblent tes carnets ?
Mes carnets sont des feuillets que je relis à la fin du voyage. Utiliser des feuillets me permet de donner mes dessins aux personnes que je rencontre afin qu’elle puisse voir plus facilement mon travail, tout cela sans pour autant m’arrêter de dessiner. Les feuillets sont également utiles lorsque l’on ne sait pas combien de pages vont être remplies.
Quel est le voyage qui t’a le plus marqué ?
Celui que j’ai le plus envie de partager est celui en Iran. J’ai effectué ce voyage en 2008, durant cinq semaines, qui a donné suite à un livre. Beaucoup de personnes m’ont dit avoir été en Iran après avoir lu mon livre. C’est l’un des plus beaux compliments que l’on peut me donner. Souvent, on me raconte des anecdotes où les voyageurs ont rencontré des personnes que j’ai croisées durant mon voyage. En Birmanie, des gens qui ont lu mon livre sont allés dormir dans la même guesthouse et ont montré mon livre à la femme qui la gérait. Celle-ci m’y avait écrit un message en birman dix ans auparavant.
Retrouvez le carnet de voyage “L’aventure dans le corridor du Wakhan” de Philippe Bichon dans Numéro 26.