Description
Nous ne dévoilerons pas la carte localisant précisément les formations géologiques rares qui, depuis de nombreuses années, inspirent les voyages de Vincent Bournazel, parti dans les déserts de l’Ouest américain pour photographier tout ce qui est caché du plus grand nombre. Ce qui est – encore ? – invisible d’Instagram. Pas question pour le photographe de publier la géolocalisation qu’il a trouvée, à force de patience, en scrutant les ombres dévinées sur Google Earth. Ni de poster ça sur un réseau social. Le risque, ainsi que l’a décrit Nicolas Legras dans un remarquable essai publié dans Les Others, est d’arriver à un « outdoor burn out », une sorte d’indigestion de photographies sans authenticité où le Graal semble être d’imiter ce qui a déjà été vu dix mille fois ailleurs. Les algorithmes d’Instagram sont parvenus à transformer, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, un coin perdu d’Islande ou de Norvège en spot touristique infréquentable où il faut faire la queue pour réaliser son selfie dans la nature sauvage.
Il est toujours risqué de dévoiler une carte. Wilfred Thesiger, dans Le Désert des déserts, s’interrogeait s’il fallait donner aux nomades bédouins des cartes qui confèrent à leurs possesseurs un supplément de pouvoir, au risque de bousculer des équilibres. Charline Gerbault n’a laissé que l’empreinte de ses pas sur le sable du Rub al-Khali, où elle a suivi les traces de l’explorateur anglais du début du xxesiècle. Faut-il que ce désert des déserts soit envoûtant pour que Théodore Monod y mène une dernière expédition de botanique à l’âge de 93 ans, accompagné par José-Marie Bel qui nous livre ici un témoignage et des photos rares.
Epave caravanière
La carte de Thierry Tillet, explorateur infatigable du Sahara, en dit long sur la passion qui a occupé sa vie. De la Mauritanie à la Libye, son désert est devenu semblable à un maillage de chemins cadastraux. Sur les bords de l’un d’eux, il espère toujours retrouver les vestiges d’une épave caravanière du XIIesiècle, dont lui parla un jour Monod. Nous prenons place au sein de sa méharée qui nous emmène dans les Erbils, zone largement inconnue où se cachent encore brigands et coupeurs de routes.
La carte de Charline Wild était toute simple. Des lignes droites qui traversent l’Atacama, au Chili. Les cartes le suggèrent, mais elles n’éprouvent ni la solitude, ni la chaleur, ni le vent, ni la soif. Il faut, sans doute, avoir été envoûté une fois par le désert, pour vouloir y retourner. Coûte que coûte. Quitte à le traverser en stop en comptant sur une incertaine providence, l’espoir et l’optimisme chevillés au corps. Sur la carte de Matthieu Tordeur, il n’y avait qu’un seul point, le pôle Sud, atteint au terme d’une aventure solitaire à travers un désert de glace.
William Mauxion