Description
L’impossible et l’interdit ont débarqué dans nos vies, nous qui étions nés du bon côté des frontières pour visiter le monde à notre guise. Une parenthèse s’est ouverte, qui conjugue désormais nos désirs d’ailleurs au conditionnel et qui donne l’occasion de jeter un œil dans le rétro comme on feuillette les pages remplies d’un passeport. Quelle gloutonnerie ! Cinq jours à Prague, quatre jours à Lisbonne, un week-end à Londres… Allez hop, on réserve un low-cost et un logement sur Airbnb ! Était-ce bien sérieux ? On avait fini par perdre le goût de l’exception. L’effondrement spectaculaire du tourisme mondial et du trafic aérien en ce printemps nous indique que le monde peut être autrement.
Le désir d’explorer de nouveaux horizons ne va pas s’éteindre. Gageons que la crise sanitaire va redonner plus de valeur encore à nos voyages. Rêvons que les voyages redeviennent de grandes aventures, où il faudra savoir aller lentement, pédaler parfois face au vent, et profiter des pannes de voiture sur le bord des routes.
Depuis dix ans, Bouts du monde accompagne ces voyageurs contemplatifs. Cet été, nous avons traversé la Manche et la mer d’Irlande pour visiter les pays celtes : pousser la porte d’un pub irlandais, compter les lochs qui accueillent les reflets du ciel tourmenté d’Écosse, écouter un peu de musique en dégustant un whisky tourbé à souhait. C’est pour trouver ce goût d’exception décrit par sa tante disparue, qu’il avait surnommée Lady Whisky, que le dessinateur Joël Alessandra a visité les distilleries de l’île d’Islay.
Le temps de chien qui a accompagné les journées de bicyclette de Frédéric Albert sur les routes d’Irlande n’a presque pas entamé son humeur. Pas plus qu’il n’a dissuadé Yann Lafleur et Alexandre Charvet de se perdre dans les lands de l’île de Skye ou découragé Pierre Péruch qui se demande bien quelle vieille légende se planque derrière les nuages de l’île d’Achill. Ne parlons pas de Jean-Pierre Jansen, trop heureux de sortir son instrument de musique, chaque soir, dans les pubs irlandais pleins à craquer.
Soudain, l’évocation de pubs qui débordent nous fait tanguer. Pourra-t-on y retrouver l’insouciance cet été, cet automne, quand le printemps reviendra ? Rien n’est certain. à défaut, on pourra faire comme Romain Gaubert, réfugié le temps d’une soirée dans une petite cabane isolée face à la mer des Hébrides. Ou se consoler avec les voyages intérieurs. Ceux-là prennent parfois la forme de l’introspection, de la poésie ou de la mélancolie. On pourra y chercher au fond de ses souvenirs la saveur du dépaysement.
William Mauxion