Description
Il y a un arrière-goût d’inachevé quand un voyage oublie de séjourner quelque temps en ville. Chaotiques ou enthousiasmantes, grises ou flamboyantes, les villes sont une plongée en apnée dans les espoirs ou les névroses d’un pays. Elles sont un peu la conscience que l’on n’est plus chez soi. Et puis c’est là que l’on vient vérifier ce que l’on a imaginé, ce que l’on nous a raconté : qu’il y a les cours de la bourse qui défilent sur les murs de Times Square, qu’il y a de la neige sur la place Rouge, qu’on sert des énormes côtes de bœuf dans les restos de Buenos Aires, que boire une bière dans un troquet d’Oslo vous en coûtera une douzaine d’euros, que vous allez sûrement vous perdre à Pékin…
Frédéric Rudant a dessiné les rues de la capitale égyptienne en trempant son crayon à papier dans les gaz d’échappement qui flottaient dans l’air, le cul posé sur un rebord de trottoir, assez près pour observer la mécanique souffreteuse de tout ce ballet urbain. Nicolas Roux a pris un peu de hauteur pour dessiner Shanghaï, la nouvelle ville-monde vers laquelle tout le XXIe siècle se tourne déjà. L’ancienne concession internationale et le Bund y sont désormais sanctuarisés, relégués au second plan par la surréaliste expansion du Pudong où les gratte-ciel poussent comme des champignons.
Je me souviens être resté assis deux bonnes heures à un carrefour de Katmandou pour observer cet indescriptible et fascinant bazar où un ouvrier qui transporte une échelle à l’horizontale peut provoquer un embouteillage de piétons. En voyage, c’est amusant. Mais qu’en pensent les Népalais ? S’ils réagissaient comme les passagers d’une navette « aéroports de Paris » contrariés de voir que ça bouchonne entre Roissy et Montparnasse, leur révolte ferait se soulever l’Annapurna.
William Mauxion