Description
Il y a un peu de pétrole qui colle sous les semelles, quelques bouffées de CO2 qui enrhument, le désenchantement qui pointe le bout de son nez. Même les plages paradisiaques, ce n’est plus ce que c’était. Il y a des thoniers qui croisent au large, des gisements qui saignent la terre, des oléoducs indifférents au malheur des peuples, des sacs en plastique qui remplacent les feuilles sur des arbres morts. COP 21 n’a pas arrêté le processus. Qui le pourrait d’ailleurs ?
Les voyages ont changé. En attendant de voir arriver chez nous les premiers réfugiés climatiques, des voyageurs – bien conscients qu’ils ne vont pas changer le monde en prenant l’avion – ont constaté les effets de tous les dérèglements. Au Nigeria, Vincent Henry et Emmanuel Prost racontent que le pétrole a infiltré le cœur des habitants du delta du Niger qui ont vu la mangrove souillée par la rupture d’oléoducs. Dans l’Extrême-Orient russe, les mineurs, les contrebandiers et les coupeurs de bois altèrent le tableau que Cédric Gras et Aurélien Mas auraient voulu idyllique. Au Groenland, la banquise fond mais ce sont les chasseurs d’ours qui sont montrés du doigt, regrette Vincent Hilaire. Faut-il aller bronzer aux Seychelles pour oublier les tourments de l’époque ? Karine Djébari sait bien que non : ici on construit des îles artificielles.
Eric Naigeon a préféré s’échapper le long des rivières tranquilles pour retrouver la sérénité. Mais les pêcheurs rencontrés par Stéphanie Lafitte et Sophie Bataille dans l’estuaire de la Gironde racontent aussi que les poissons s’en sont allés. La Loire a bien résisté aux aménagements et aux barrages qui auraient permis de remonter son cours. Mais l’évidence d’ici ne l’est plus ailleurs. L’amoureux des fleuves, Bernard Desjeux, sait bien que l’envie de dompter le Niger en créant des retenues d’eau dans une région écrasée par le soleil, ne servira sans doute que des intérêts partisans.
William Mauxion