Description
Ernest Shackleton a eu le temps de regarder couler l’Endurance, pris par les glaces de la mer de Weddell en 1915 en Antarctique. L’agonie du bateau a duré des mois, l’odyssée de l’explorateur britannique a duré trois ans. Trois ans d’une épopée incroyable, au cours de laquelle il est parvenu à sauver son équipage, et qui appartient à la légende de l’exploration polaire. L’épave du bateau mythique a été retrouvée en 2022. Nous vous livrons ici le témoignage de Nicolas Vincent, qui a consacré une partie de sa vie à retrouver ce bateau « beau comme la Licorne de Tintin ».
Bouts du monde n°61 va à la rencontre de voyageurs patients. Ainsi, Christophe Vesco qui est allé au bout de son rêve : marcher vingt et un mois durant pour relier Gibraltar et le cap Nord. Et puis dans ce numéro, nous grimpons à bord des trains.
Que voit-on à travers la fenêtre ? Que nous raconte le paysage qui s’éloigne au rythme du taratatoum du train qui file sur les rails ? À quoi pensais-je en 2007, pendant ces quarante-deux heures interminables, en classe assis mou, dans le train qui devait relier Turfan, dans le désert du Taklamakan, à Pékin ?
Il y a quelque chose de curieux sur les photographies ramenées de ce voyage qui avait duré deux mois. Des images du train, il n’y en a pas. La surprise fut grande quand j’exhumai quelques archives : aucune image ne venait corroborer la description pittoresque que je me faisais de périple ferroviaire rocambolesque à travers la Chine. Mais pourquoi donc n’avais-je pris aucune image ? La densité de compagnons de voyage au mètre carré qui entravait chaque mouvement est une explication. Les prises de vue argentiques que l’on ne gaspillait pas en sont une autre. Mais ce ne sont pas les seules raisons : ce voyage en train n’était qu’une parenthèse au milieu d’un été de découvertes et d’aventures. Une corvée même, contrainte pour des raisons budgétaires, même pas environnementales.
De l’eau a coulé sous les ponts. Le train est redevenu ce qu’il avait cessé d’être. Le voilà aussi devenu ambassadeur du slow travel et d’un mode de voyage soutenable alors que les voyageurs sont de plus en plus nombreux à y regarder à deux fois avant de s’envoler vers des destinations lointaines. La parenthèse du rail s’est réenchantée.
En Éthiopie, Philippe Delord a aimé prendre le train parce qu’il s’en allait sur les traces de Monfreid. En Indonésie, Simon Hureau a aimé prendre le train parce que, quitte à être loin, autant aller se plonger dans le pittoresque. Au Sri Lanka, Samuel Chardon a aimé prendre le train parce qu’ils fument, parce qu’ils chantent et parce qu’ils permettent de s’asseoir aux premières loges du spectacle du monde.
L’état des trains prend le pouls du pays. Le long de la dernière ligne de train de Madagascar, entre Fianarantsoa et Manakara, Claire et Reno Marca ont vu défiler sous leurs yeux les espoirs et les lassitudes de tout un peuple. Au cours d’une errance ferroviaire qui l’a mené jusqu’à Sarajevo, c’est le frisson de l’Europe qu’a ressenti Joël Schuermans.
La monotonie du Transsibérien aide-t-elle les voyageurs à digérer l’Histoire ? En tout cas, elle permet d’appréhender la géographie. Dans leur cocon de deuxième classe, Camille Grisollet et Thibaut Gosset ont vu s’effacer progressivement les bouleaux de Sibérie à mesure que s’approchait l’effervescence de Pékin. Lentement.
William Mauxion