Description
Peut-on mettre un sac à dos sur les épaules de deux garçons de 4 et 6 ans et partir courir le monde, sans savoir de quoi seront faits les jours à venir ? Selon un sondage au doigt mouillé, 99 % de la population estimerait que c’est une idée un peu saugrenue. L’école, la santé, la nourriture, le confort. Sans compter les grands-parents ou les bandits de grands chemins… Bref, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Par chance, nous avons rencontré quelques spécimens du 1 % restant, qui se dit que, si des enfants vivent dans tous les pays du monde, les leurs pourraient s’y acclimater aussi.
Voilà comment Jeanne Moinet et sa famille ont sillonné l’Afrique pendant plusieurs mois, au cours desquels la salle de classe de l’enfant ressemblait à un 4×4 Defender qui stationnait devant des paysages pas possibles. L’appréhension du départ s’est bien vite envolée et la famille s’est acclimatée à ce rythme nouveau. Le petit garçon en a tellement vu au cours de ces mois suspendus qu’un cahier d’écolier ne suffirait pas à tout raconter.
De quelles histoires se souviendront les trois enfants de Virginie Delache qui entendaient dans l’auto radio The Mamas and the Papas pendant que maman et papa roulaient sur les routes de Californie ? Et ceux de Julien Marot qui ont voyagé dans la géographie et dans l’histoire, jusqu’en Grèce où les dieux de l’Antiquité ont un peu partout semé des cailloux ? On grandit plus vite au mois d’août, dit-on, et de ces petits cailloux peuvent naître de belles histoires.
J’ai le souvenir vague d’une Simca sur le toit de laquelle étaient chargés les sacs en toile de jute d’une grosse tente Trigano, une table de camping et des chaises. Des tendeurs de vélo fixaient le chargement et c’était parti ! Le départ se faisait à deux heures du matin, parce que traverser la France par les routes nationales prenait l’allure d’une longue transhumance. On poursuivrait la nuit affalés sur les duvets placés entre les deux sièges de derrière. On se réveillait le lendemain matin et le paysage avait changé. Du haut de mes 8 ans, j’avais découvert le voyage. C’était certain, un jour viendrait où j’irais voir par-delà les montagnes.
Le voyage initiatique se fait attendre un peu forcément. Xavier Vallais avait 22 ans quand il a dit au revoir à ses parents, pas trop rassurés à l’idée de le voir s’envoler pour l’Amérique au milieu des années 1970 en pleine période « flower power ».
Remontons le temps de quelques années. En 1954, à Genève, Nicolas Bouvier met le contact de sa Fiat Topolino, direction le Khyber Pass. Son livre L’Usage du monde, viatique initiatique pour des générations de voyageurs, incitera Bernard Naef à traverser le miroir. Plus de soixante-dix ans après, il a dégoté à son tour une petite Fiat, et s’est mis en route « vers l’Orient, quoi ! », suivant le même itinéraire que l’écrivain voyageur.
Et âgée de quelques années. Chloé Malaval-Juéry a parcouru avec son père les paysages des Cévennes, où ont vécu ses aïeux. Les forêts, les chemins creux et les petits villages lui ont raconté une histoire familiale dont le souvenir se dissipait. Et où poussaient des petits cailloux.
Et encore plus loin dans le temps. Les récits d’expéditions menées par des explorateurs français au XVIIIe et XIXe siècle ont passionné l’aventurier Hubert Sagnières, qui s’est mis en tête de découvrir la cascade décrite par Bougainville, en Nouvelle-Irlande. Un petit caillou laissé sur les pages d’un livre. Et des histoires de voyageurs à raconter aux enfants.
William Mauxion