Yves Marchand & Romain Meffre – nés respectivement en 1981 et 1987 – ont tous deux grandi dans la région parisienne. Chacun photographe, ils ont commencé à développer un intérêt pour les ruines dès 2001. Après s’être rencontrés en 2002, ils se sont mis à enregistrer systématiquement les décombres et les mutations du paysage urbain en Île-de-France, puis ailleurs en France, en Belgique, en Angleterre, en Espagne et en Italie.
Visiter ces endroits les a sensibilisés à l’unicité et à l’exceptionnalité des bâtiments historiques, spécialement ceux construits aux XIXe et XXe siècles, malheureusement désaffectés et souvent menacés. « Les ruines sont les symboles et les vestiges de nos sociétés et leurs changements, des morceaux d’histoire en suspension. … L’état de ruine est une situation transitoire qui survient à un moment donné, le résultat fugitif des changements d’ère et de la chute des empires. Cette fragilité, ce temps fuyant à toute vitesse, nous amènent à les regarder une toute dernière fois : entre effroi et fascination, nous questionnant sur la permanence des choses. La photographie nous est apparue comme un modeste moyen de garder une trace de cet état éphémère. »
En 2005, après deux mois de préparation, ils décident de se rendre dans la ville par excellence des ruines modernes, Detroit. Loin d’un élément anecdotique dans la ville, les ruines font partie intégrante de son paysage. Au début du XXe siècle, avec l’invention de l’assemblage à la chaîne, Detroit s’élève au rang de capitale mondiale de l’automobile, devenant la quatrième ville la plus importante des États-Unis. Connue comme la « Motor City », elle produit ce qui s’imposera comme le modèle économique, industriel et urbain de nos sociétés modernes. Cependant, à partir des années 1950, la désindustrialisation et la suburbanisation, la ségrégation, les tensions sociales et les désinvestissements mènent la Motor City à la ruine. Detroit passe de deux millions à 900 000 habitants. En moins de cinquante ans, Detroit, l’une des villes les plus riches, tombe en disgrâce pour devenir la ville la plus sinistrée de tout l’Occident.
À leurs débuts, Yves Marchand & Romain Meffre prennent l’habitude de travailler dans les mêmes endroits mais séparément, avec deux appareils. Puis ils évoluent progressivement vers une méthode rigoureuse, une vision commune. C’est à Detroit qu’ils commencent à travailler en duo, en utilisant un seul appareil. Quand ils photographient, aucun n’a de rôle prédéfini, ils partagent leurs idées jusqu’à trouver le point de vue « idéal ». Ils organisent leur première exposition, « Les fabuleuses ruines de Detroit », en juin 2006. Ils sont retournés à Detroit plusieurs fois les cinq années suivantes pour compléter leur travail sur la ville. En parallèle, ils travaillent sur plusieurs projets, en particulier sur les vieux théâtres.